La sépulture retrouvée

C’est l’histoire d’une tombe devant laquelle je passe depuis toute petite au moins une fois par an, à la Toussaint, pour aller sur celle de mes grands-parents paternels devenue celle de mon papa en 2017.

Située dans l’allée centrale du cimetière de Tigné, dans le Maine-et-Loire, elle ne paie pas de mine, en apparence à l’abandon, avec ses mauvaises herbes et sa vieille stèle.

Y sont inhumés Jean et Léonie. Leurs noms de famille me sont connus, ils apparaissent dans mon arbre généalogique, mais les prénoms ne correspondent pas. Pour les dates mentionnées, je connais le couple formé par Louis et Léonide Clémentine.

Y aurait-il un loup ?

Photo personnelle.

En étudiant de plus près les actes d’état civil de mon couple et ceux de leurs enfants, je découvre le poteau rose.

Dès la naissance de Louis, en 1841, il y a une hésitation ou un lapsus pour le choix de son prénom : en marge et dans le texte de l’acte, on voit clairement que sous le prénom Louis figure le prénom Jean, qui est également celui de son père.

Extraits de l’acte de naissance de Louis, né le 21 août 1841 : AD 49 – État civil – Tigné – Naissances, mariages, décès – 1833/1842 – cote 6E348/10 – vue 145 sur 189.

Lors de leur mariage en 1867, il est bien question de Louis et Léonide Clémentine, mais au fil des naissances de leurs cinq enfants, leurs prénoms évoluent.

Dès le premier enfant, Louis se prénomme Jean, pour le second c’est Jean Louis, pour les troisième et cinquième c’est de nouveau Jean, et pour le quatrième Louis.

Léonide, quant à elle, « devient » Léonie lors des deux dernières naissances.

Extrait de l’acte de naissance de Léonide Augustine, née le 29 février 1868, premier enfant du couple : AD 49 – État civil – Tigné – Naissances, mariages, décès – 1863/1872 – cote 6E348/13 – vue 111 sur 223.

Extrait de l’acte de naissance de Jean Léon, né le 20 avril 1886, cinquième enfant du couple : AD 49 – État civil – Tigné – Naissances, mariages, décès – 1883/1892 – cote 6E348/15 – vue 55 sur 177.

Sur l’acte de concession de la sépulture datant du 19 avril 1926, les deux prénoms de Louis sont présents. Le prénom d’usage Jean a été utilisé dans un premier temps pour compléter le document, puis barré pour ajouter le prénom de naissance, Louis.

Acte de concession de 1926 – archive personnelle.

Il est clair à présent que Louis et Léonide avaient choisi d’utiliser usuellement les prénoms Jean et Léonie.

Leurs actes de décès sont bien rédigés avec leurs prénoms de naissance (la déclaration du décès de Louis en 1932 est réalisée par Rémy, son petit-fils charpentier, mon grand-père), mais sur leur tombe, ce sont bien ceux qu’ils s’étaient choisis qui sont inscrits.

Extrait de l’acte de décès de Louis en 1932 – copie de l’acte de la mairie de Tigné, Maine-et-Loire.

Il en va ainsi des lois funéraires régies par le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), chacun peut inscrire ce qu’il veut, ou presque, sur sa tombe ou celle d’un proche. Ainsi suivant l’article L2223-12 du CGCT, « tout particulier peut, sans autorisation, faire placer sur la fosse d’un parent ou d’un ami une pierre sépulcrale ou autre signe indicatif de sépulture ».

Cette inscription doit toutefois être choisie dans le respect de la décence et de l’ordre public. Pour cette raison, l’article R2223-8 du CGCT stipule qu’ « aucune inscription ne peut être placée sur les pierres tumulaires ou monuments funéraires sans avoir été préalablement soumise à l’approbation du maire. »

L’enquête est bouclée, et finalement, cette tombe, avec sa croix délicatement ouvragée, encore récemment « anonyme » parmi tant d’autres, non apparentée à ma famille d’après mon papa (†), est bien celle de mes arrières-arrières-grands-parents.